mercredi 23 novembre 2016

La Mère Teresa de l’Ecole Bankuy


Madame Fao Marie Sabine tient la classe de CM1 dans l’école Hankuy A de Dédougou. Dans sa classe de 92 élèves, il y a un enfant qui n’aurait jamais pu entrer dans une classe si sa trajectoire n’avait rencontré celle de Madame Fao. Damien K.  avait été refusé par toutes les écoles parce qu’il vit avec un handicap.

L’école burkinabè n’a prévu aucun dispositif pour intégrer  les enfants différents : ni les surdoués encore moins les enfants ayant un handicap. Si l’on peut croire que les surdoués sont plus aptes à s’insérer dans une école faite pour les enfants ordinaires, il en va tout autrement des enfants ayant un handicap.
C’est dans ce vide institutionnel qu’une enseignante de son propre chef a décidé de prendre dans ses classes, les enfants  vivant avec un handicap. Quand on demande à cette dame au grand cœur pourquoi elle fait cela quoique l’institution ne l’y oblige pas et que cela lui donne un surplus de travail et d’investissement de soi, sa réponse est brève et d’une fulgurante évidence : « Je suis une mère ».

Ensuite pour elle, si l’école a pour but de façonner un homme apte à se prendre en charge et à s’insérer
dans sa communauté, elle est plus utile aux enfants qui ont un handicap qu’aux enfants dits normaux. Aussi la priorité devrait-elle être aux enfants déficients.C’est en 1994 que cette femme  a débuté dans l’enseignement. Sans formation initiale mais passionnée de transmission, elle a appris la pédagogie à l’épreuve de la classe. Même pour l’enseignement intégré des enfants vivant avec un handicap, elle tire sa démarche de l’expérience de deux décennies passées à ouvrir l’esprit des enfants au savoir.


Damien au 1er rang avec ses camarades
Elle a encadré son premier élève ayant un handicap en 2006, c’était un enfant muet. Après trois ans de scolarité, il retrouvera la parole. Plus tard, en 2008, elle a recueilli un gosse hémiplégique. 
Bien que l’école n’ai prévu aucun aménagement pour ces cas-là, elle applique une pédagogie différenciée, ce qui a un impact sur sa progression.

Pour Damien, elle laisse les textes et les croquis plus longtemps au tableau pour lui permettre de les prendre dans son cahier. Celui-ci a des problèmes de vue, conséquence d’une naissance difficile. Si son frère jumeau est venu au monde sans difficultés, sa venue à lui, aurait  été au forceps. Avec des conséquences terribles. Un bras fracturé. Des problèmes ophtalmologiques dus à la tension qu’impose ses yeux exorbités, et une physionomie qui n’est pas à son avantage.

 A leur 6ème année, leurs parents  décident de les inscrire à l’école. Si le frère de Damian trouve rapidement une classe, Damien lui, verra toutes les portes se fermer devant son regard perdu. Et sans Madame Dao, il n’aurait jamais mis le pied dans une classe. Une discrimination qu’il aurait vécue terriblement surtout que son frère allait être scolarisé et lui pas.
De Damien, Madame Dao est très fière. Rapidement, grâce à l’empathie de la maîtresse, il s’est senti valorisé et s’est imposé à ses camarades dont il est devenu le chouchou. Sur le plan du travail, Damien est un élève très moyen, mais l’important est qu’il ne se sent plus différent. Et pour Mme Dao, c’est sa plus grande victoire.

Une partie de la classe posant avec la maitresse

Quand on  demande à cette dame de bonne volonté ce qu’elle attend de L’État, elle  demande que les élèves enseignants soient formés à la prise en charge des enfants déficients dans les écoles de formation et que l’on outille aussi ceux qui sont sur le terrain pour mieux faire face à ces cas. Car l’école et surtout l’école inclusive restent la meilleure réponse au handicap. 


N'étant de ceux qui se croisent les bras dans l'attitude stérile du spectateur, elle a pris ces responsabilités en montrant qu'inclure les enfants déficients dans les classes ordinaires est chose possible. Agir au lieu d’attendre, voilà ce qu'elle a fait. C'est ce que l'on attend des hommes et femmes de bonne volonté, des acteurs du changement social, des ouvreurs de voies, des traceurs du futur...




jeudi 20 octobre 2016

Le Foyer Eric Bouju : Une oasis pour élèves en difficulté



Une vue du dortoir

Le Foyer Bouju est une structure éducative qui accueille des élèves en difficulté pour les accompagner dans leur scolarité. Une généreuse idée portée par l’association Actions solidaires de développement de Gorom-Gorom.
A Gorom-Gorom, des hommes de bonne volonté essaient de lutter contre  le décrochage et l’échec scolaire des élèves de brousse qui doivent faire le post-primaire à Gorom-Gorom. Cissé Hassane Ida est de ceux-ci. En effet, ce guide de tourisme dirige l’association  Actions solidaires de développement qui a crée  un foyer d’accueil pour ceux-ci.
Ce foyer héberge les élèves du post-primaire originaires des villages environnants. Leurs parents n’ont pu leur trouver des familles d’accueil dans la ville et souvent ne peuvent payer les frais de scolarité. Sans le foyer, ces élèves seraient condamnés à abandonner l’école. Le foyer est une structure modeste qui comporte trois chambres, une salle d’étude et des sanitaires externes. Une vingtaine d’élèves y sont logés, nourris, encadrés par un surveillant et bénéficient d’un suivi médical.  

Donner la chance de s'élever par l'instruction
L’intention est noble et montre que l’éducation est chose sérieuse pour être laissée uniquement entre les mains de l’Etat. Les individus et les communautés doivent  contribuer pour une éducation de qualité. Cette initiative, au regard de la faiblesse du nombre de bénéficiaires, peut être perçue comme une goutte d’eau dans la mer ? Pourtant si l’idée faisait florès, les gouttes seront plus nombreuses et leur impact plus grand. C’est en ajoutant la terre à la terre que la termitière vit, nous enseigne la sagesse populaire.
C’est aussi ce que nous enseigne la fable que nous raconte William Sassine dans son roman Saint-Monsieur Baly. Dans cette fable, on annonce que le ciel va tomber sur la ville. Pris de panique, tout le monde fuit la ville sauf le poussin qui se couche sur le dos, les pattes tendues vers le ciel. Un animal remarque son attitude et lui demande : « Que fais-tu là ? N’as-tu pas entendu que le ciel va nous tomber sur la tête ? ». Et le poussin de répondre : « Je le sais, c’est pour cela j’essaie de le retenir avec mes pattes ».  Peut-être que si tous les animaux le suivent dans cette logique, il est possible d' éviter la catastrophe céleste.
Le bâtiment de l'administration du Foyer

Le foyer Bouju a longtemps bénéficié des dons de touristes et des aides des structures françaises comme la Fondation Abbé Pierre mais de nos jours cette structure d’accueil est confrontée au manque de ressources financières. Ceci, en grande partie, est dû à la morosité du secteur touristique engendrée par  l’insécurité présumée de la région. Gorom-Gorom n’est plus la première destination des touristes amoureux du sahel. Cependant Cissé Ida et ses amis refusent la fatalité, ils se battent pour faire vivre cet espace de réussite scolaire, convaincus d’ailleurs que l’éducation est la meilleure arme contre le péril terroriste qui prospère sur l’ignorance et la misère.

jeudi 13 octobre 2016

Une éducation heureuse est possible

 Ce n'est un secret pour personne que l'école burkinabè à l'instar de la plupart des systèmes éducatifs de l'Afrique francophone est à la croisée des chemins. D'ailleurs les médias évoquent quotidiennement les problèmes de violence, l'incivisme des élèves, le déficit d'infrastructures, les effectifs pléthoriques,  la baisse générale du niveau tant des apprenants que des enseignants.

Toutefois, à côté de ce tableau sombre, il y a une autre réalité qui intéresse peu les journaux mais qui est  lumineuse, porteuse d'espoir et de solution. Il y a en effet, des hommes et des femmes de bonne volonté qui travaillent dans l'ombre, posent des actes héroïques, innovent, se battent sans relâche pour que l'école offre ce qu'elle a de meilleur. Il est important  de  montrer ces combattants de l'ignorance.

Il y a aussi des réflexions qui se mènent au niveau local ou régional pour rendre l'école meilleure, l'éducation plus heureuse et faire de l'apprentissage, un gai savoir. Cet blog voudrait être une tribune pour ces penseurs qui veulent réformer l'école avec des idées nouvelles qui tiennent compte de nos réalités. Il s'agit de faire connaitre ces laboratoires d'idées où des penseurs  se déprennent des reformes "prêt-à-porter" que le FMI et la Banque mondiale et pensent notre école de demain.

Ce blog se veut enfin un espace pour interroger les problématiques nouvelles qui traversent le champ de l'école et  une agora de critiques constructives et de propositions pertinentes.
Dans le combat pour l'émergence du Burkina, la mère des batailles se mène et se gagne sur le champ de l'école. A bon entendeur, salut!