Madame Fao Marie Sabine
tient la classe de CM1 dans l’école Hankuy A de Dédougou. Dans sa classe de 92
élèves, il y a un enfant qui n’aurait jamais pu entrer dans une classe si sa
trajectoire n’avait rencontré celle de Madame Fao. Damien K. avait été refusé par toutes les écoles parce
qu’il vit avec un handicap.
L’école burkinabè n’a prévu aucun dispositif pour
intégrer les enfants différents :
ni les surdoués encore moins les enfants ayant un handicap. Si l’on peut croire
que les surdoués sont plus aptes à s’insérer dans une école faite pour les
enfants ordinaires, il en va tout autrement des enfants ayant un handicap.
C’est dans ce vide institutionnel qu’une enseignante de son
propre chef a décidé de prendre dans ses classes, les enfants vivant avec un handicap. Quand on demande à
cette dame au grand cœur pourquoi elle fait cela quoique l’institution ne l’y
oblige pas et que cela lui donne un surplus de travail et d’investissement de
soi, sa réponse est brève et
d’une fulgurante évidence : « Je
suis une mère ».
Ensuite pour elle, si l’école a pour but de façonner un homme
apte à se prendre en charge et à s’insérer
Damien au 1er rang avec ses camarades |
Bien que l’école n’ai prévu aucun aménagement pour ces cas-là, elle applique une pédagogie différenciée, ce qui a un impact sur sa progression.
Pour Damien, elle laisse les textes et les croquis plus
longtemps au tableau pour lui permettre de les prendre dans son cahier.
Celui-ci a des problèmes de vue, conséquence d’une naissance difficile. Si son
frère jumeau est venu au monde sans difficultés, sa venue à lui, aurait été au forceps. Avec des conséquences
terribles. Un bras fracturé. Des problèmes ophtalmologiques dus à la
tension qu’impose ses yeux exorbités, et une physionomie qui n’est pas à son avantage.
A leur 6ème année, leurs parents décident de les inscrire à l’école. Si le
frère de Damian trouve rapidement une classe, Damien lui, verra toutes les
portes se fermer devant son regard perdu. Et sans Madame Dao, il n’aurait
jamais mis le pied dans une classe. Une discrimination qu’il aurait vécue
terriblement surtout que son frère allait être scolarisé et lui pas.
De Damien, Madame Dao est très fière. Rapidement, grâce à l’empathie
de la maîtresse, il s’est senti valorisé et s’est imposé à ses camarades dont
il est devenu le chouchou. Sur le plan du travail, Damien est un élève très moyen,
mais l’important est qu’il ne se sent plus différent. Et pour Mme Dao, c’est sa
plus grande victoire.
Une partie de la classe posant avec la maitresse |
Quand on demande à
cette dame de bonne volonté ce qu’elle attend de L’État, elle demande que les élèves enseignants soient
formés à la prise en charge des enfants déficients dans les écoles de formation
et que l’on outille aussi ceux qui sont sur le terrain pour mieux faire face à
ces cas. Car l’école et surtout l’école inclusive restent la meilleure réponse au handicap.
N'étant de ceux qui se croisent les bras dans l'attitude stérile du spectateur, elle a pris ces responsabilités en montrant qu'inclure les enfants déficients dans les classes ordinaires est chose possible. Agir au lieu
d’attendre, voilà ce qu'elle a fait. C'est ce que l'on attend des hommes et femmes de bonne volonté, des
acteurs du changement social, des ouvreurs de voies, des traceurs du futur...